----II.
Les étapes :
----1.
Déconstruire les timidités et les
stéréotypes
Nous leur avons projeté quelques extraits
de spectacles de danse contemporaine de la Troupe
Kader Atou (notamment dans «
The Roots »
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La
Troupe Kader Atou (notamment
dans « The Roots » |
dont les danseurs sont des jeunes hommes
habillés comme dans la vie quotidienne, mais
tous de la même façon, sans marquage
social prononcé et auxquels les enfants peuvent
s’identifier.
Ces extraits seront réutilisés ultérieurement
pour parler précisément des fondamentaux
de la danse (le corps, l’espace, le temps
et la relation) ainsi que toutes les déclinaisons
que cela occasionne.
Dès la première séance, les
élèves sont considérés
dans leur participation à un projet collectif
et dans leurs individualités sans faire référence
à des marquages sociaux. Chacune de leurs
propositions est prise comme émanant pleinement
de leur expression propre. Lorsque des petits groupes
sont constitués, l’hétérogénéité
est la composante primordiale.
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----1.
Intégrer un projet qui dépasse la
danse.
Pour donner du sens à cette activité,
il y a mille façons qui se valent, mais les
élèves ont besoin, pour s’engager,
d’un prétexte, d’un projet, d’une
dynamique ou d’autres mobiles qui transcendent
cette activité. Ainsi ils pourront créer,
s’exprimer.
Cela crée un premier niveau de contrainte,
très libérateur. Cela dégage
l’enseignant de sa position centrale et l’enfant
de ses pudeurs.
Cette année nous avions choisi de visiter
Paris avec nos corps en mouvement poétique.
La chorale à laquelle nous participions portait
sur ce thème. Nous avions là une façon
de l’alimenter en même tant que de nous
en nourrir.
Les discussions sur le thème se sont enrichis
au cours de l’année, ainsi donc que
l’univers parisien de chaque élève.
----2. Prendre l'affaire
au sérieux et ne rien lâcher.
Dès la première entrée dans
la salle de danse, nous étions toutes les
deux dans une posture
de danse (lire
la colonne à gauche) que nous avons
exigée des élèves peu à
peu. Tous les cadrages symboliques et néanmoins
réels ne peuvent pas être installés
en même temps, mais dès le départ
il faut les envisager et les tenir systématiquement
au fur et à mesure des séances.
Une fois les premiers intégrés, on
rajoute les suivants : l’entrée dans
la salle s’effectue pieds nus, dans le calme,
en écoutant les bruits intérieurs
de son propre corps, on se donne rendez-vous au
milieu. Nous-mêmes, les enseignantes respectons
toutes ces façons de faire.
Nous attendons le silence complet, qui s’installe
d’ailleurs assez rapidement du fait des exigences
déjà connues par nos élèves
dans les autres disciplines scolaires ou espaces
que nous fréquentons ensemble. Rien de nouveau
sous le soleil de ces classes : conviction, douceur
et rigueur.
Quelques brefs mots pour rappeler ce qui a déjà
été dit de la danse et du projet,
avant de vite passer à l’action.
Une consigne simple pour tous (la complexité
vient progressivement par l’accumulation des
couches de consignes que les élèves
sont capables d’intérioriser du fait
des exigences répétées et stables
des enseignantes).
« Lorsque vous entendez de la musique, vous
« circulez dans Paris ». Lorsque la
musique s’éteint vous vous immobilisez.
Lorsqu’elle reprend vous circulez à
nouveau.»
Cette consigne est lancée et n’est
surtout pas arrêtée sous prétexte
que quelques élèves semblent ne pas
l’avoir comprise. La durée (limitée)
doit permettre de vivre les temps de musique et
d’arrêt trois ou quatre fois. C’est
ce qui permet aux rêveurs de se mettre en
route. L’enseignant disparaît derrière
la danse qui se vit sans lui, mais grâce à
la musique.
Le seul motif d’arrêt est l’indiscipline.
Mais là encore, c’est plutôt
la reprise en main discrète de l’élève
en question que l’arrêt de l’activité
qui portera ses fruits.
Dans cette première
consigne, l’essentiel de la danse qui va se
vivre toute l’année est posé
: le
corps va être éprouvé,
l’espace jaugé, le
temps balisé et la relation
aux autres va s’initier.
De cette première consigne vont naître
toutes les plus belles déclinaisons possibles
des contraintes et de la créativité
de la danse. Mais il faudra veiller à toujours
créer les conditions de la paix intérieure
des élèves en même temps que
de leur possibilité de s’engager. Ne
jamais rien lâcher de ce que l’on leur
a proposé. En demander toujours plus, c’est-à-dire
pas trop d’un coup, et surtout, faire prendre
conscience aux élèves de tous leurs
acquis progressifs.
Cette première étape ne sera pas satisfaisante
et c’est dans l’ordre des progrès
intrinsèques à cet apprentissage :
les élèves seront timorés,
ils se regarderont avec méfiance, ils se
regrouperont dans un espace limité de la
salle.
Ce sont de ces premières peurs que nous partons
justement, pas à pas, joyeusement, sans pointer
l’erreur de l’un ou de l’autre.
Nous partons de l’une des propositions d'élève
qui a émergé et que l’on va
partager collectivement.